|
Au fond, c'est le premier pas qui compte. Celui qui
consiste à laisser tomber ses préjugés. A votre décharge, il faut
convenir que les premiers titres importés au début des années 1990 pour
surfer sur la vague de la japanimation ne pouvaient guère séduireni les
lecteurs de bulles Franco-belges, ni les amateurs de littérature. |
La narration l'emporte sur l'esthétique |
L'équivalent nippon d'un Hergé,
c'est Osamu Tezuka. Dès les années 1940, ce dessinateur forcené jette
les bases du manga moderne : en un demi-siècle de carrière, il
dessinera plus de 300 séries. Son style, imprégné des représentations
disneyennes, influence encore ses héritiers, qui perpétuent la
tradition des grands yeux si peu nippons. |
|
|
Mais la qualité graphique importe
peu, dans cette civilisation où l'écriture et le dessin mélés forment
un language. La narration l'emporte sur l'esthétique, l'efficacité
prime. Alors qu'il faudra attendre les 1990 pour voir apparaitre,
hors des circuits underground, une production "adultes" en Europe et
aux Etats Unis, Yoshihiro Tatsumi lance avec Coups d'éclat, dès la fin des années 1950, le gekiga
(drame dessiné), qui oppose au style commercial des recits réalistes
mettant en scène la misère sexuelle et sociale de ses contemporains. A
travers l'errance et la dégringolade de la l'homme sans talent, Yoshiharu Tsuge exécute dans les années 1970 l'un des chefs d'oeuvre de la bande dessinée mondiale. |
Chez nous, c'est grâce à Jiro
Taniguchi que tout est arrivé. Peu connu dans son propre pays, il est
devenu malgré lui le cheval de Troie de la déferlante nippone en
France. Avec le Journal de mon père, puis Quartier lointain,
traduit à la fin des années 90, Taniguchi a imposé aux occidentaux une
autre vision du manga. Le discret mangaka a même décroché plusieurs
récompenses à Angoulème, dont celle du meilleur dessin cette année pour
le sommet des dieux, imposante saga sur la quête d'absolu de
deux alpinistes japonais dans l'himalaya. Grâce au succès de Taniguchi,
les éditeurs Franco belges ont pris conscience de l'immense richesse de
la production japonaise. Aux antipodes de Goldorak, abondent
aujourd'hui des récits de science fiction oniriques et magistralement
dessinés tel Number 5 de Taiyou Matsumoto. Des polars haletants au suspense insoutenable, ainsi Monster de Naoki Urasawa. Des oeuves sensibles, drôles et élégantes comme Kinderbook, un recueil de nouvelles de Kan Takahama. - à l'instar du lectorat, la moitié des mangakas sont des femmes.
Quant à prendre un livre à l'envers pour le lire de droite à gauche,
avec un peu d'entrainement, on y arrive très bien. Tenté ? |
|